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Interview - Marine Coué, Docteur en Pharmacologie
Effect Spiruline - Marine Coué, Docteur en Pharmacologie
Interview Marine Coué, Septembre 2017
Détentrice d’un Master en biologie cellulaire et physiologie délivré par l’Université Paris 6, Marine Coué a ensuite intégré l’Institut des Maladies Métaboliques et Cardiovasculaires (I2MC) à Toulouse pour son doctorat. A l’occasion de ses années de thèse elle s’est spécialisée dans l’étude des maladies liées à l’obésité et au diabète.
Après avoir démontré avec succès le rôle des peptides natriurétiques dans la diminution des graisses sur les muscles, Marine a soutenu sa thèse en 2015. Forte de cette spécialisation, Marine mène dorénavant ses recherches à l’Université de Nantes, sous contrat postdoctoral. C’est là qu’elle étudie les potentiels bienfaits de la spiruline dans la diminution de certaines maladies cardiovasculaires.
Pouvez-vous nous présenter votre laboratoire actuel et ses activités ? Quelle part des recherches ici effectuées concerne la spiruline ?
L’unité PhAN, pour Physiopathologie des Adaptations Nutritionnelles, est un laboratoire universitaire qui s’intéresse à la période périnatale du développement des enfants. Pendant les 1000 premiers jours à partir du début de la gestation, nous savons que l’environnement auquel est soumis le fœtus puis le nourrisson a des conséquences sur le reste de sa vie. Le régime alimentaire de la mère enceinte puis lorsqu’elle allaite ont une grande influence : on parle d’empreinte nutritionnelle.
Des résultats préliminaires ont suggéré que la prise de spiruline pouvait diminuer le cholestérol dans l’aorte et le foie de hamsters en surpoids. C’est ce qui a motivé le projet dédié à la spiruline auquel je participe. Mais il n’y a pour l’instant pas d’autre étude sur cette micro algue dans notre laboratoire.
Vos recherches se penchent sur les propriétés anti oxydantes de la spiruline. Pouvez-vous nous décrire les hypothèses et protocoles de vos expériences ?
Mes recherches s’articulent autour de 2 protocoles. Le premier évalue si l’administration de la spiruline peut diminuer le risque de développer une stéatose du foie. La stéatose se définit par l’accumulation de graisse dans un tissu. Cela survient davantage chez les individus en surpoids ou obèses et peut évoluer vers une cirrhose. Deuxièmement, c’est à des souris, gestantes (ndlr enceintes) ou qui allaitent, que j’administre de la spiruline. Je regarde ensuite si leur descendance a plus ou moins de risque d’être sujette à de l’athérosclérose. Cette pathologie, responsable des AVC et 1ère cause de mortalité dans le monde, frappe à l’âge adulte mais est également conditionnée dès nos premiers instants de vie.
De telles maladies chroniques se développent au fil du temps, en particulier si l’on est sujet à un stress antioxydant (i.e. si les substances pro oxydantes dominent les substances anti oxydantes dans notre organisme). C’est pour cette raison que la spiruline, par sa richesse en antioxydants, pourrait jouer un rôle bénéfique.
Pourquoi la spiruline est-elle si riche en antioxydants ?
En tant que micro algue, la spiruline tire son énergie de la photosynthèse. Cette réaction produit des effets pro-oxydants contre lesquels la spiruline doit lutter en produisant des antioxydants, et maintenir un équilibre. Le β-carotène, la vitamine E et la phycocyanine en sont les principales formes. Cette dernière compte d’ailleurs pour 20% du poids sec de la spiruline, ce qui est une quantité phénoménale.
Au-delà de sa richesse en antioxydants, quels sont les atouts majeurs de la spiruline ?
La spiruline est également une source formidable de protéines. Elles représentent 60% de son poids sec, ce qui en fait l’aliment végétal connu qui en contient le plus. Les quantités élevées d’acides gras essentiels et de fibres alimentaires jouent aussi en sa faveur. Au-delà de sa composition, la spiruline est un organisme autotrophe : elle n’a besoin que des minéraux de l’eau et de lumière pour croître et se reproduire.
Attention toutefois car la spiruline est un excellent capteur de métaux lourds. Cultivée dans un environnement pollué, la composition de la spiruline se détériore, avec ses bienfaits nutritionnels.
Pouvez-vous nous parler des produits d’AlgoSource, entreprise qui participe au financement de vos recherches ?
Algosource me fournit la spiruline pour mes expériences. L’entreprise vend de la spiruline en miettes mais également sous forme liquide dans des ampoules. C’est avec ce dernier type de spiruline que je travaille car dans un état liquide, on préserve la biodisponibilité des molécules. En ne séchant pas la spiruline, on garantit que la conformation tridimensionnelle des molécules est conservée et que celles-ci réagissent pleinement avec leur environnement.
Considérez-vous que les recherches et publications scientifiques sur la spiruline soient nombreuses à travers le monde ?
Grâce au moteur de recherche PubMed que l’on utilise en sciences biomédicales, je peux regarder le nombre annuel de publications scientifiques contenant le mot « Spirulina ». Pour l’année 2016, on comptait 115 publications, alors qu’en 2000 ce nombre n’était que de 27. Cela suggère une augmentation de la recherche médicale sur la spiruline.
En revanche, 115 publications par an est en fait assez peu, ou du moins insuffisant par rapport à l’engouement que suscite la spiruline à travers le monde. Il semble que l’effet de mode précède les découvertes scientifiques.
Parmi ces recherches, savez-vous si des essais cliniques sur l’Homme ont été conduits ? Avec des résultats positifs pour certaines pathologies ?
Oui, on en trouve et je peux en citer quelques-unes. En 2014, une équipe grecque a constaté une amélioration de certains indicateurs de santé d’un échantillon de 15 personnes souffrant de stéatose du foie, à qui l’on a donné 6g de spiruline chaque jour pendant 6 mois. L’étude n’a toutefois pas utilisé de groupe de contrôle. Une étude de 2005 fait état des bienfaits d’une supplémentation à la spiruline sur les symptômes allergiques : écoulement nasal, éternuements et démangeaisons. Enfin, les conclusions d’une étude de 2010 indiquent qu’une supplémentation de spiruline peut être bénéfique pour notre organisme dans la phase qui suit un effort physique.
Une publication récente de Wu et al. synthétise l’ensemble des études in vitro et in vivo qui ont été effectuées jusqu’à présent.
Pour conclure, pensez-vous que l’on puisse aujourd’hui qualifier la spiruline de médicament ou bien s’agit-il simplement d’un complément alimentaire ?
Non je ne pense pas que l’on puisse la qualifier de médicament. Il faut de toute façon une autorisation pour être mise sur le marché en tant que tel. Les termes d’alicament ou de complément alimentaire sont plus appropriés. Notez que la spiruline est déjà présente dans notre alimentation en tant que colorant alimentaire pour ses pigments bleus.
Pour ce faire, il a fallu qu’elle soit approuvée par la Food and Drug Administration, organisme de contrôle américain, afin de s’assurer de l’absence de risques majeurs sur notre santé.
Interview Réalisée par Guillaume L. - Août 2017